On n'a pas assez attiré l'attention sur un événement pourtant très révélateur résumé de la sorte par un titre d'Aujourd'hui : Marseille à la reconquête du parking de la porte d'Aix. Il me semble représenter une tendance préoccupante, au-delà de Marseille, de l'esprit français (JDD).
Un poème de Paul Fort mis en musique par Georges Brassens - La Marine - touche le coeur quand il souligne que "dans les petites amours d'un jour", on trouve les grandes en réduction.
C'est exactement ce qu'il convient de dire, mais sur un autre registre, des péripéties marseillaises qui manifestent les dérives et le laxisme de l'action municipale et plus largement politique qui souffre d'un manque de rigueur et de constance.
Un parking à la porte d'Aix à Marseille, géré par Vinci. Des dégradations, des violences, des dysfonctionnements qui à la longue deviennent si nombreux et insupportables qu'on n'a même plus le courage de déposer plainte parce qu'on pressent que ce sera inutile. Vinci jette l'éponge et s'en va. Des jeunes gens du quartier occupent le terrain abandonné et empochent cinq euros par automibiliste. Des vendeurs à la sauvette s'installent dans le parking. Une véritable organisation paralèlle se met en place qui montre en creux l'impuissance de l'autorité publique. Le départ de Vinci et les répercussions médiatiques qui s'ensuivent déclenchent des réactions. La loi républicaine est invoquée. Il est hors de question que l'Etat et les collectivités reculent. On exhibe tout à coup ses muscles. Une compagnie de 80 CRS va être affectée à la surveillance et à un patrouillage constant selon le préfet de la région qui exprime sa volonté de redonner à cette place d'Aix "son rôle d'espace public". Vinci va revenir. La boucle est bouclée.
Quand le cycle infernal va-t-il recommencer ?
Le maire UMP de Marseille déclare - et c'est sans doute le risque principal d'une telle incurie - que "l'exaspération est telle que les gens menacent de s'armer et de régler ça eux-mêmes", parce que l'Etat est défaillant dans sa mission d'assurer la sécurité des personnes et des biens. Que la justice privée, un jour, au comble de la colère, prenne en charge à sa manière forte ce qui est laissé en déshérence par les instances officielles ne constituerait plus une surprise. Cela ne saurait tarder, plus gravement que dans certaines manifestations ponctuelles d'une telle déviation, si l'Etat continue de s'alarmer devant la vigilance obligée des citoyens mais sans rien accomplir pour la rendre inutile.
Surtout, dans ce processus qui conduit une normalité à se dégrader, caractérisé ensuite par une longue indifférence donnant le pouvoir à des bandes, décourageant les bonnes volontés désertant une mission qu'elles ne peuvent plus assumer, mis en exergue par l'effervescence médiatique, interrompu par "les coups de menton" d'une autorité publique enfin réveillée, comment ne pas percevoir le parcours classique des drames au quotidien de notre vie sociale, de notre communauté civique ? Normalité, délitement, assoupissement, abandon, transgression, scandale, indignation médiatique, réveil, on va voir ce qu'on va voir : tout cela est pitoyable à force d'incohérence et de faiblesse ! Au fond, c'est une honte.
Pourquoi attend-t-on d'être au fond du gouffre pour se demander comment on a pu arriver au bord ? Cette interrogation angoissée d'un poète surréaliste, qui s'est suicidé et qui a été le modèle du Feu follet de Drieu la Rochelle, est plus que jamais brûlante d'actualité, d'urgence et de désespoir.
Marseille n'est malheureusement pas une exception